Quand la fée Morgane vous rend visite en rêve
Il y a des rêves qui s’effilochent au réveil comme de la fumée.
Et puis il y a ceux-là. Ceux qui restent. Qui vous regardent encore, même quand le jour est levé. Rêver de la fée Morgane, c’est ça. Une sensation qui colle à la peau comme le sel d’un vent de Bretagne. Une voix dans le silence. Un miroir ancien entrouvert.
Et si ce rêve était un message ?
Ou un piège ?
Ou un pacte oublié ?
Vous vous souvenez de ce regard ?
Vous vous souvenez de ce froid, là, derrière la nuque ?
Écoutez. On y va.
Qui est Morgane ? Pas celle des contes pour enfants.
On vous a dit qu’elle était une fée ?
Oui, sans doute. Mais c’est un mot trop doux. Trop rond. Morgane n’est pas faite de poudre d’or et de ballets dans les bois. Elle est faite de brume, de chair et de trahisons anciennes. Elle est sœur d’Arthur, amante d’Avalon, prêtresse aux yeux sombres. Elle sait. Elle attend. Elle agit quand le silence devient trop bruyant.
Morgane, ce n’est pas une fée.
C’est un archétype vivant, en robe noire ou nue comme la vérité.
Elle ne vous sourit pas.
Elle vous regarde. Jusqu’à l’os.
Et quand elle entre dans vos rêves ?
Elle ne frappe pas à la porte, vous vous en doutez. Elle entre. Comme entre la marée dans les grottes. Doucement. Puis d’un coup, tout est inondé.
On rêve de Morgane comme on rêve d’un vertige. Ce n’est pas un conte. C’est une faille. Un appel. Une ombre sur l’eau qui ressemble à un souvenir d’enfance… sauf que vous ne l’avez jamais vécu.
Peut-être vous parle-t-elle.
Peut-être ne dit-elle rien.
Mais vous ressentez. Fort.
Quelque chose vous regarde à travers elle.
Ce rêve vous laisse une sensation étrange ?
Normal. Rêver de Morgane, c’est rarement anodin.
Le matin venu, on se sent chargé, comme après une nuit sans sommeil mais pleine de présences. Parfois même, une odeur vous suit. Celle du feu de lande. Ou du vieux cuir. Ou de la pierre mouillée, quand il a plu sur les menhirs.
Et puis ce silence…
Vous voyez ce genre de silence, juste avant l’orage ?
Celui qui gonfle l’air, qui fait battre le cœur plus vite ?
Morgane, c’est ça.
Même dans un rêve. Surtout dans un rêve.
Est-ce un avertissement ? Une bénédiction ? Une métamorphose ?
On ne peut pas trancher.
Et elle ne vous donnera pas de réponse nette.
Morgane est ambivalente. Elle est le non-choix qui finit par décider pour vous.
Quand elle apparaît, c’est souvent à des moments-charnières.
Des nuits où vous doutez.
Des soirs où vous vous demandez ce que vous devez laisser mourir.
Peut-être que vous êtes à l’orée d’un passage.
Une transformation, mais avec des épines sur le seuil.
Et Morgane ?
Elle est là pour vous tendre le miroir.
Pas pour vous dire quoi y voir.
Les formes qu’elle prend dans les rêves
Elle n’a pas qu’un seul visage.
Certains la voient en robe d’encre, debout dans la brume, au bord d’un lac qui n’existe nulle part.
D’autres sentent sa présence sans la voir. Un vent dans les cheveux. Une voix dans les pierres. Une chaleur dans le ventre. Ou une peur, douce et ancienne, qui s’infiltre dans les os.
Parfois, elle est une femme d’aujourd’hui, croisée dans un rêve de rue, de train, d’attente. Elle vous regarde à peine. Mais vous savez.
Vous savez que c’était elle.
Et si c’était votre propre force, déguisée ?
Petite digression. Mais elle compte.
Et si Morgane dans vos rêves, ce n’était pas « quelqu’un » ?
Et si c’était vous-même, mais vous-même comme vous ne vous êtes jamais vue ?
Puissante. Dangereuse. Libre.
Rêver de Morgane, c’est peut-être rêver de votre ombre.
Pas l’ombre noire. L’ombre féconde. Celle qui sait où vous avez enterré vos vrais désirs.
Elle revient vous chercher. Vous secouer un peu.
Parce que vous avez laissé trop de lumière artificielle éteindre votre feu de l’intérieur.
L’archétype de la sorcière… ou de la souveraine ?
On parle beaucoup de “sorcières” aujourd’hui.
Mais Morgane n’est pas un badge à coller sur un tote bag.
Elle est ce qu’on devient quand on cesse d’avoir peur de ne pas plaire.
Quand on reprend ses terres. Ses noms. Ses malédictions aussi, parfois.
Dans vos rêves, elle vous teste.
Pas avec des énigmes. Avec des sensations. Des silences.
Des souvenirs que vous ne saviez pas avoir.
Elle veut voir si vous tenez debout.
Même quand tout tangue.
Un rêve récurrent ? Elle insiste.
Certains la rêvent une seule fois. Une apparition. Et puis plus rien.
Mais d’autres… la voient souvent. Trop souvent pour que ce soit le hasard.
Peut-être que vous êtes liée à elle par le sang.
Ou par une vie ancienne. Ou par une fidélité oubliée.
On raconte que Morgane aime les âmes entières, même brisées.
Surtout brisées.
Celles qui ont connu le feu. Et la mer. Et le manque.
Si elle revient, c’est qu’il y a quelque chose à réparer.
Ou à éveiller.
Alors que faire de ce rêve ?
Rien. Ou tout.
On ne « fait » rien d’un rêve comme celui-là.
On l’écoute. On l’écrit, peut-être. On l’apprivoise.
On peut allumer une bougie.
Enterrer un mot sous un chêne.
Ou juste marcher longtemps, sans rien dire, dans la lande de ses propres pensées.
Mais on ne s’en moque pas.
On ne le rejette pas.
On le respecte, comme on respecterait une vieille reine exilée.
Parce qu’elle revient toujours.
Quand le monde oublie la magie, elle pousse les portes du sommeil.
En filigrane : la mémoire des femmes sauvages
Il y a, dans le rêve de Morgane, plus que le rêve.
Il y a la mémoire des femmes debout dans la tempête, les pieds nus dans la boue, tenant une torche ou une chanson.
Il y a celles qui guérissent.
Celles qui brûlent.
Celles qui attendent encore, sur l’île qui ne se trouve sur aucune carte.
Morgane est une mémoire. Une promesse. Un avertissement peut-être.
Mais surtout, elle est vivante, dans la moelle de vos nuits.
Comptoir Celte 